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3 QUESTIONS À UN NOTAIRE Avec maître Laurent Mazeyrie, notaire à Paris-5e
Avec maître Laurent Mazeyrie, notaire à Paris-5e
Propos recueillies par Véronique Helft-Malz
Quels sont, selon vous, les défis majeurs que rencontre la philanthropie dans votre domaine aujourd’hui ?
Il existe pour ma part deux types de clients : les philanthropes avérés et ceux qui s’ignorent.
Les premiers viennent à moi car ils connaissent ma spécialisation, tandis que les seconds sont tous ceux qui me consultent dans le cadre de l’anticipation de leur succession ou la gestion de leur patrimoine.
Dans les deux cas, la philanthropie représente un panel de solutions permettant à la fois de faciliter la transmission, la conservation ou la gestion d’un patrimoine dans le temps, tout en bénéficiant de régimes fiscaux très avantageux.
Mon rôle est donc d’accompagner chacun dans ces démarches, éminemment personnelles, et d’établir les actes de libéralités (dons, donations et testaments), qui vont permettre de donner vie à leurs projets philanthropiques.
Les outils juridiques et les typologies de structures caritatives existants rendent ces sujets très techniques. Toutes les structures ne peuvent pas recevoir tous types de libéralités, ni tous types de biens. Et ce n’est pas parce qu’une association a la capacité de recevoir qu’elle est nécessairement exonérée de droits de mutation à titre gratuit.
Il est donc primordial que les acteurs de la philanthropie parviennent à s’adapter aux attentes, mais aussi aux besoins de leurs mécènes, et se dotent des bons outils pour permettre la réalisation de toutes ces actions.
Quels sont les principaux avantages juridiques et fiscaux pour vos clients lorsqu’ils intègrent la philanthropie dans leur stratégie patrimoniale ?
Le poids de la fiscalité française fait de notre législation celle qui est la plus attractive au monde en termes de réduction d’impôts liées à la philanthropie.
Pour autant, ces avantages ne sont en rien les moteurs d’un projet caritatif, mais ils constituent le plus souvent la cerise sur le gâteau d’un projet familial et patrimonial plus large.
Ainsi, entre les exonérations de droits – le premier avantage dont bénéficient la plupart des organismes sans but lucratif est en effet d’être exonéré de droits de mutations à titre gratuit –, et les réductions d’impôt sur le revenu (66 %), sur les sociétés (60 %), ou sur la fortune immobilière (75 %), les mécènes disposent d’un panel d’outil techniques permettant de considérer la philanthropie non comme une niche fiscale – l’économie d’impôt n’est pas supérieure ou égale au don, et donc le donateur reste quelqu’un qui va se dépouiller au profit de l’œuvre qu’il aura choisie –, mais plutôt comme un ensemble de solutions permettant d’optimiser certaines situations de gestion de patrimoine.
En présence d’héritiers vulnérables ou mineurs, de collatéraux lourdement taxés, ou en l’absence totale de successibles, passer par une fondation va permettre de transmettre, de gérer ou de pérenniser un patrimoine dans un cadre fiscal attractif, et de constituer une sorte de trust à des fins d’intérêt général, mais pouvant faciliter la gratification de ses proches. Il est possible, notamment, de confier à une fondation le soin de liquider une succession pour ne remettre qu’une somme d’argent à ses héritiers, en les dispensant du règlement parfois complexe ou pénible d’une succession. Ce mécanisme permet de laisser à ses proches un pourcentage de la succession, qui correspond au montant net qui leur serait resté s’ils avaient tout reçu, en les gratifiant d’une somme nette.
Par exemple, léguer ses biens à son meilleur ami va générer pour ce dernier 60 % d’impôts. Sur un patrimoine de 1000, il ne va donc lui rester que 400 nets. Si, à la place, l’on institue une fondation légataire universelle, à charge pour elle de remettre 400 nets de frais et droits à ce même meilleur ami, la fondation va recevoir 1000, verser 400 au bénéficiaire, payer les droits pour le compte de ce dernier (les droits vont alors se calculer sur ce qu’il reçoit, c’est-à-dire 400. 60 % de 400 font 240 de droits). Il restera donc à la fondation la différence, soit 1000 -(400+240) = 360 ; réalisant ainsi une substantielle économie d’impôt tout en ne lésant pas son meilleur ami.
Et, selon le cas, on peut prévoir que le versement de ces fonds se fasse de manière échelonnée, par exemple jusqu’à la majorité du bénéficiaire (voire un âge plus élevé), ou de confier la gestion de cet argent à un tiers.
Nous sommes vraiment dans des opérations sur mesure.
Quel message souhaiteriez-vous transmettre à ceux qui hésitent encore à s’engager dans une démarche philanthropique ?
Donner change sa vie et son regard au monde. Il faut certes bien réfléchir – la phase de gestation est à mon sens la plus importante, il ne faut surtout pas la négliger –, et prendre conseil avant de se lancer, mais après, attention, ça peut devenir addictif…