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Si on ne laisse pas de place aux autres, on n’existe pas soi-même

Joseph Raba, membre du comité de gestion de la fondation Hannia

La Fondation Hannia, dont vous êtes un membre actif, intervient dans beaucoup de domaines : l’éducation, le social, le logement… Comment avez-vous été amené à vous engager dans toutes ces actions ?

Joseph Raba : Je suis bénévole dans la communauté depuis mon adolescence. J’ai fait des études de comptabilité et de finance. Puis je me suis marié avec une jeune fille de la communauté, qui m’a présenté à une personne hors du commun, le rabbin Schonthal. Avec le temps, il m’a proposé de l’assister pour développer une institution qui compte beaucoup pour moi, Beth Rivkah et l’insérer dans la fondation Hannia. Nous avons voulu élargir nos actions au-delà de Beth Rivkah, notamment sur la question du handicap, du social, de l’aide aux parents voulant scolariser leurs enfants dans une école juive et n’en ayant pas vraiment les moyens. Ainsi, nous avons été conduits à nous rapprocher de la Fondation du Judaïsme Français, qui abrite désormais la fondation Hannia.

Votre action dans le domaine éducatif est considérable, et elle concerne tous les enfants, y compris ceux porteurs de handicap, pour lesquels vous avez créé des classes spéciales.

D’abord je me dois de préciser que travailler dans la communauté et pour elle, mais seulement pour un segment de cette communauté n’avait pas beaucoup de sens à mes yeux. En revanche, si je pouvais faire en sorte que chaque enfant puisse trouver sa place dans nos écoles, là le défi en valait la peine.

La section dédiée aux enfants porteurs de handicap a une histoire. Dans les institutions Beth Rivkah, une famille avait un enfant qui, à la maternelle, parvenait plus ou moins à suivre, avec les autres. Mais ensuite, il a « décroché ». Sa mère est venue voir le rabbin Schonthal pour demander de l’aide. C’est là qu’est née cette section. Très vite, on s’est aperçu que de nombreux enfants étaient dans ce cas, donc qu’un grand nombre de familles avaient besoin d’aide. Et que, pour pouvoir apporter cette aide, il fallait former des personnes qui soient aptes à gérer ces situations particulières.

Progressivement, nous avons augmenté notre expertise et réussi, avec l’aide du département éducation du Fonds Social Juif Unifié, à obtenir un contrat d’association avec l’Etat pour des classes qui s’appellent « Ulysse ». Nous en avons actuellement trois, une dans l’enseignement primaire, deux au collège.

Quelles sont les particularités de ces classes ?

Le principe est assez simple : ne pas isoler les enfants dans ces classes, mais parvenir à créer des ponts avec les autres sections et les autres secteurs de l’école. Ce sont des classes d’inclusion. Et la grande prouesse du personnel exceptionnel qui travaille là, est de réussir à détecter ce que chaque enfant a « en plus », en dépit de son handicap, et de lui trouver sa place exacte. Ainsi on parvient à inclure chaque élève dans les matières pour lesquelles il a le plus de prédispositions.

Un exemple, qui est particulièrement éclairant : il s’agit d’un enfant, placé à Beth Rivkah, que la fondation Hannia accompagne. Il était en grande difficulté, mutique. La responsable de son éducation cherchait les moyens de le sortir de cet enfermement. Elle prenait des avis ici et là. Quelqu’un lui a suggéré d’emmener ce garçon dans une radio. Il ne parlait toujours pas, mais il a été fasciné par les machines, par la technique, et, peu à peu, il est entré en communication avec le technicien et a retrouvé la parole. Cette année, il a passé avec succès le baccalauréat.

Vous êtes un homme de terrain. Comment fonctionne l’école Beth Rivkah ?

C’est l’institution la plus importante de toute l’Essonne, 1100 élèves et un internat – de jeunes filles – de cent vingt élèves. Il faut des budgets et des moyens humains, d’autant que nous avons un projet de rénovation des internats. J’y suis très attaché parce que j’ai grandi dans une famille nombreuse, dans un appartement pas très grand. Il était donc difficile pour l’élève que j’étais, de bien travailler dans cet environnement familial et de continuer ls éudes. C’est grâce à l’internat que j’ai pu le faire plus confortablement.

Il y a un sujet très préoccupant actuellement, c’est celui du harcèlement scolaire…

Dans les écoles juives, les problèmes sont les mêmes que dans toutes les écoles.  Donc nous sommes aussi confrontés à la question du harcèlement scolaire. Nous essayons évidemment de lutter au mieux, avec des programmes spéciaux, mais aussi en organisant des ateliers avec les parents d’élèves, et par des formations pour les enseignants - dont nous finançons certaines. Pour leur donner les moyens de déceler au plus vite le harcèlement que subit un élève. Dans une telle situation, il faut se mobiliser, on ne peut pas se comporter en amateurs.

Si les actions dans l’éducation sont essentielles, il ne faut pas oublier les autres domaines de la fondation Hannia, notamment le volet social, qui est considérable.

Oui, parlons de Levtov, aussi soutenu par la fondation Hannia. On peut citer, parmi ses actions, 500 personnes aidées, 600 colis alimentaires, 500 cartables achetés, 5500 repas distribués. On est fidèles à l’étymologie, « lev », cœur. Ce sont avant tout des actions de cœur. La Fondation Hannia soutient les programmes de Levtov, qui sont extraordinaires, et soutenus aussi par le Fonds Social Juif Unifié. Toutes ces actions requièrent un grand nombre de bénévoles, qui interviennent pour soulager les soucis du quotidien, auprès des démunis, des femmes battues… dans la lignée de ce que nous savons faire et que nous avons envie de développer.

On peut les qualifier, toutes, de philanthropiques. Quel est le sens profond de ce mot pour vous ?

La philanthropie, pour moi, c’est décider de faire de sa vie une philosophie de vie, donc de partager. Si l’on décompose le mot, c’est « aimer » « le genre humain ». Si on ne laisse pas de la place aux autres, on n’existe pas soi-même. Pour aimer les autres, il faut s’aimer soi-même. Alors c’est sans fin que l’on peut aider les autres, et il faut le faire de manière professionnelle.