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Ca va trop bien : danger !
Ca va trop bien : danger !
Par Rémy Serrouya
Directeur administratif et financier
La croissance est trop forte et le chômage trop bas. En quelques mots, ça va trop bien ! Cette situation, clin d’œil aux années 1960 qui connurent forte croissance et « plein-emploi », est récemment devenue le cauchemar du gouverneur de la banque centrale américaine, Jerome Powell. En effet, en France et en Europe, le chômage est en baisse constante, tandis qu’aux États-Unis, il y a des pans d’activités ou l’offre d’emplois est supérieure à la demande, ce qui inévitablement crée des tensions sur l’appareil de production.
Ce qui aurait pu constituer le rêve utopique des économistes des années 1990, qui faisaient face à un taux du chômage avoisinant les 11 %, est plus que problématique. François Mitterrand, fataliste, disait alors : « En matière de lutte contre le chômage, tout a été essayé, tout a échoué. »
En effet, les temps ont changé et l’environnement économique actuel est des plus complexes. Le plein-emploi est aujourd’hui l’ennemi numéro 1 des banques centrales européennes et américaines, qui agitent régulièrement le spectre d’une hausse des taux d’intérêts et d’une récession mondiale.
Et pour cause. La forte consommation des ménages entraîne une augmentation de la productivité des entreprises qui recrutent du personnel afin de répondre à la demande. Cette recrudescence d’embauches génère de fortes tensions sur le marché du travail, qui est déjà tendu, et les conséquences en sont immédiates : les salaires augmentent, les prix de production s’envolent, le coût du panier de la ménagère atteint des sommets.
Dans leur formulation technique raffinée, les économistes expliquent que « l’inversion soudaine du pouvoir constitue un désordre dans les rapports de production ». La hausse des salaires intensifie la pression inflationniste.
Afin de juguler cette inflation et qu’elle revienne à des taux raisonnables, autour de 2 %, les banques centrales augmentent régulièrement les taux d’intérêt, passant de taux négatifs début 2022 à + 4,5 % début 2023 pour la FED (Réserve fédérale américaine), et + 3 % pour la BCE (Banque centrale européenne). L’objectif des banques centrales est de faire plonger les économies pour les conduire temporairement à la récession. En augmentant les taux d’intérêts, la consommation des ménages va diminuer et le chômage va remonter ! Pour résumer, les économistes vont générer de mauvaises nouvelles économiques pour faire baisser l’inflation.
Cette situation paradoxale inquiète fortement les régulateurs sociaux que sont notamment les fondations reconnues d’utilité publique, car la stratégie macroéconomique mise en œuvre par les banques centrales est de nature à accroître davantage encore la vulnérabilité des ménages les plus précaires.
La forte hausse de l’inflation constatée fin 2022 et début 2023 s’est traduite par une augmentation significative des produits de base. D'après la société d'analyse IRI, les prix des produits alimentaires vendus en France ont augmenté de 13,85 % en un an tandis que les produits dits « premiers prix » ont bondi de près de 20 % ! Une situation intenable pour les ménages, dont la totalité des revenus est consommée à la fin du mois. La reprise du chômage, programmée par les économistes, assombrit encore davantage l’espoir d’un retour à la vie d’avant.
En conséquence, la Fondation du Judaïsme Français et ses fondations abritées s’emploient à multiplier leurs actions envers les plus démunis : aides aux cantines scolaires, soutien aux banques alimentaires, aides aux logements, assistance aux personnes âgées, la liste est encore longue…
En d’autres temps, certains avaient imaginé de laisser filer l’inflation et de ne rien entreprendre pour la juguler. À cela, Milton Friedman (prix Nobel d’économie) avait répondu : « L’inflation c’est comme l’alcoolisme, lorsque l’on s’enivre, le soir même, cela fait du bien. Ce n’est que le lendemain que l’on se sent mal. »