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« " Favoriser la diffusion de la pensée du judaïsme moderne"

Patrick Schein, président du comité de la Fondation Moses Mendelssohn

« Favoriser la diffusion de la pensée du judaïsme moderne »

Propos recueillis par Josyane Savigneau

 

Pourquoi votre fondation s’appelle-t-elle Moses Mendelsshon ?

Elle a pris ce nom parce que Moses Mendelsshon est un philosophe des Lumières et que c’est lui qui a adapté le judaïsme au modernisme. Pour le sortir un peu de son ghetto. Pour cette fondation, qui regroupe les communautés modernistes, la nommer Moses Mendelsshon était un hommage logique à cette figure du XVIIIe siècle allemand.

Qui sont les modernistes ?

Ce sont les mouvements égalitaires, qui regroupent non seulement les libéraux – un qualificatif employé parfois de manière péjorative –, mais également le mouvement Massorti. En tout cas, les modernistes, qui représentent une partie significative de la communauté juive en France, ne sont pas reconnus au sein du Consistoire, contrairement au CRIF.

Quand cette fondation a-t-elle été créée ?

En 2008, par le Centre culturel du Mouvement juif libéral de France (CCMJLF). Donc nous fêtons cette année nos quinze ans. Elle a été créée sous l’impulsion de Jean-Paul Léon (‘zil) et de Claude Amon – qui dirige désormais la Fondation Marc Amon, abritée par la Fondation du Judaïsme Français. Moi je suis entré dans le comité de la Fondation Moses Mendelssohn (FMM), puis Jean-Paul m’a proposé de le présider en 2015. Je préside donc ce comité, qui est collégial. Cette fonction est évidemment bénévole. Je suis aussi co-trésorier de Judaïsme en Mouvement (JEM).

La FMM a été créée suite à la promulgation, en 2007, de la loi TEPA, qui a institué une réduction d’ISF de 75 % du montant d’un don au profit d’une fondation reconnue d’utilité publique. C’est donc une fondation de flux, ce qui signifie qu’elle récolte des dons déductibles de l’ISF, avec l’obligation de les dépenser dans une période de temps assez courte. C’est pour cela qu’on parle de flux – l’argent entre et sort. Cet impôt, devenu IFI (Impôt sur la fortune immobilière) depuis, étant assez impopulaire auprès de la population à laquelle il s’adressait, c’était un terrain parfait pour encourager le don. On pouvait montrer que donner à des fondations proches de sa sensibilité, apportait à cet impôt un sens.

Notre discours était assez simple : si vous voulez travailler dans le sens du judaïsme moderne, du modernisme, notre fondation est là, avec ses programmes, pour recevoir votre don et subventionner des programmes modernistes, qu’ils soient culturels ou éducatifs. Aujourd’hui nous avons cinq axes de programmes subventionnés.

 

Vous êtes abrités par la Fondation du Judaïsme Français (FJF)…

Nous sommes abrités par la FJF depuis notre création. On utilise la structure de la FJF. Elle nous épaule dans nos actions, dans nos appels au don et dans la gestion administrative. On a un comité de gestion, dont fait partie la FJF, pour la sélection des programmes que nous subventionnons.

 

Quels sont les cinq axes de programmes que vous avez mentionnés ?

D’abord précisons que l’appel au don se fait non seulement à propos de l’impôt qui s’appelle aujourd’hui l’IFI, mais que les dons sont aussi déductibles de l’impôt sur le revenu.

Quant à nos programmes, ils favorisent la diffusion de la pensée du judaïsme moderne, mais aussi soutiennent l’éducation et la jeunesse. Nous avons un programme qui appuie les initiatives contribuant à la lutte contre les discriminations et l’antisémitisme. Enfin, nous avons deux programmes très spécifiques : un sur le Lab’ de Tenoua et un pour l’École Juive Moderne (EJM), pour aider la partie non cultuelle de cette école. L’EJM est une école juive authentique, pluraliste, humaniste et ouverte sur le monde moderne. Elle va désormais avoir aussi son collège.

Dans le cadre de nos programmes – autres que ces deux derniers qui sont spécifiques –, toute personne ou association qui a un projet peut nous demander des subventions, du moment qu’elles contribuent au rayonnement éducatif et culturel du judaïsme moderne.

En faisant un don à la FMM on peut, bien sûr, préciser quel programme particulier on souhaite soutenir. Ensuite, on fait le bilan de ce qu’on a récolté pour chaque programme, et on examine les demandes de subventions. Les organismes que j’ai mentionnés nous demandent des subventions, mais aussi tous les centres culturels des communautés modernistes. On finance, à Paris, les centres culturels des Massorti et celui de JEM. Nous avons également des actions dans les régions, notamment à Toulouse, Lyon ou Aix… La FMM est aussi engagée en ce moment dans un projet de rénovation d’un bâtiment culturel, et de la synagogue de Carpentras. Nous avons participé, avec la FJF et d’autres fondations abritées, à la création du Musée juif de Bayonne. L’histoire de Bayonne est très intéressante, montrant l’adaptation à cette cité de tous ces juifs qui fuyaient l’Espagne et le Portugal. C’est un modèle, à la fois d’adaptation et de modernisme dans le judaïsme. De l’évolution du judaïsme.

Tous ces exemples montrent que notre fondation n’est pas uniquement dédiée aux communautés modernistes, bien que ce soit, majoritairement, notre action. Pour nous, la modernité regroupe tout ce qui peut évoluer et s’adapter à son temps. D’où la référence à Moses Mendelssohn. Certes, les mauvaises langues diront que tous ses enfants n’étaient plus juifs, mais ses écrits et sa philosophie restent. La vitalité et la longévité des communautés modernistes en témoignent.

Êtes-vous une grosse fondation, qui fait circuler beaucoup d’argent ?

Ce n’est pas vraiment à moi de le dire, il faudrait plutôt demander à la FJF dans quelle catégorie elle nous classe, mais je pense que la FMM est dans les cinq premières des fondations abritées par la FJF. Disons que nous avons de nombreux programmes et beaucoup de sollicitations. Ne faisant pas partie du Consistoire, nous n’avons pas les mêmes ressources. Pour bénéficier de ce foisonnement éducatif et culturel, le soutien de nos sympathisants est absolument nécessaire.

Avez-vous aussi des actions dans le domaine cultuel ?

Avec la FMM, absolument pas. Les organismes que nous soutenons ont à la fois des programmes cultuels et culturels, mais nous, nous n’intervenons que dans leurs actions culturelles ou éducatives.

Considérez-vous vos engagements comme philanthropiques ?

La philanthropie, pour moi, c’est donner du temps, redonner quelque chose à ses communautés, au sens large. C’est donner un sens au potentiel que l’on a, qu’il soit financier ou intellectuel. Et cela inclut le bénévolat, qui, à mes yeux est aussi de la philanthropie.